Les risques éternels des produits chimiques éternels : comprendre ce que sont les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA)

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA) font de plus en plus les manchettes ces temps-ci. C’est pourquoi il est tout à fait possible que vous en ayez entendu parler par votre entourage ou votre courtier d’assurance. Étant donné la diversité de leurs applications et leurs conséquences sur les humains et l’environnement, le secteur de l’assurance s’efforce de trouver des solutions pour atténuer les risques posés par ces substances.

En quoi consistent les SPFA?

Les SPFA, également connues sous le nom de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, ont été découvertes dans les années 1930 et utilisées dans les produits de consommation à partir des années 1940, notamment dans la fabrication des poêles de cuisson pour leurs propriétés antiadhésives quand l’entreprise DuPont a lancé Téflon en 1946. L’utilisation des SPFA dans les produits de consommation a considérablement évolué depuis, et continue d’évoluer.

Les SPFA sont des produits chimiques qui constituent un groupe de composés organiques structurellement apparentés, d’origine anthropique, dont la structure est formée d’une chaîne carbonée fluorée. Ces substances sont faites de microparticules qui se déplacent facilement dans l’eau.

Contrairement à l’amiante, ces produits chimiques sont peu volatils. Cependant, comme leur structure est composée d’une chaîne carbonée fluorée, elle forme une liaison si forte que ces substances ne sont pratiquement pas biodégradables. C’est ce qui leur a valu le surnom de « produits chimiques éternels ».

Il en existe plus de 7 800 variantes et dérivés (voire 12 000, selon certaines estimations), dont une quarantaine a fait l’objet d’études¹ afin d’en comprendre les effets nocifs et les risques sur la santé. Ces chiffres mettent en évidence l’écart qui existe entre les recherches faites à ce jour et l’évolution de ces substances, ce qui complique tant la compréhension et l’atténuation de l’exposé de ces substances que la compréhension du contexte réglementaire.

Utilisation des SPFA

En raison de leurs propriétés particulières et de leur persistance, on trouve des SPFA dans beaucoup plus de produits que les seules poêles antiadhésives pour lesquelles elles ont été utilisées à l’origine. En voici quelques exemples :

• Vêtements et tissus imperméables et infroissables
• Peintures
• Adhésifs
• Produits cosmétiques
• Produits chimiques utilisés dans la photographie
• Pesticides
• Emballages alimentaires
• Meubles et tapis résistants aux taches
• Produits utilisés pour le tannage du cuir
• Mousses extinctrices

Comme les SPFA peuvent facilement migrer dans les eaux souterraines, on en retrouve dans les fruits et les légumes, ainsi que dans la viande – probablement en raison de leur présence dans les sols et dans les aliments consommés par le bétail. On trouve également ces composés toxiques dans l’eau potable.

Conséquences sur l’environnement de ces produits chimiques et modes d’absorption

Comme nous l’avons mentionné, les SPFA sont des composés chimiques persistants et de petite taille, elles migrent facilement dans l’environnement par l’eau.

Aux États-Unis, les sources locales de contamination sont les usines de fabrication de composés fluorés, les usines de produits chimiques qui utilisent des SPFA dans leurs procédés, l’utilisation de mousses employées pour lutter contre les incendies contenant des SPFA (dites « mousses AFFF »), les usines de traitement des eaux usées et les décharges. Un lien de causalité a été établi entre les cas de contamination locale et les usines de fabrication utilisant des SPFA dans leurs procédés, notamment pour fabriquer des produits en plastique, enduire des textiles ou tanner du cuir. Au Canada, le principal risque de contamination de l’environnement par les SPFA se trouve à proximité des aéroports et des installations militaires, à cause de l’utilisation de mousses AFFF.

Les concentrations de SPFA dans l’environnement et l’exposition des humains et de la faune aux SPFA sont plus élevées dans les sites contaminés.

Les humains sont exposés à trois modes d’absorption des SPFA :

1. Par voie orale – L’ingestion est la forme d’absorption dont les conséquences sont les plus graves – elle se fait par la consommation d’eau municipale ou provenant d’un puits, par la consommation de viande ou de produits végétaux achetés ou cultivés dans des endroits contaminés, par la consommation d’aliments de restauration rapide enveloppés dans des emballages contenant des SPFA, etc. Les enfants peuvent également en ingérer en mettant des jouets contenant des SPFA dans leur bouche. Une étude² réalisée par le gouvernement du Canada a révélé que c’était une raison d’absorption de SPFA chez les enfants. La concentration des produits chimiques mesurée chez l’adulte varie d’un produit chimique à l’autre.
2. Par voie cutanée – Utilisation de produits de grande consommation, de cosmétiques, de peintures ou d’adhésifs; port d’articles en cuir ou confectionnés avec des textiles imperméables ou infroissables; exposition à des tapis et à des meubles rembourrés, etc. Actuellement, l’absorption par voie cutanée semble avoir moins d’impact que l’absorption par la voie orale.
3. Par inhalation – D’après les recherches actuelles, l’inhalation de SPFA est la forme d’absorption la moins dommageable; ceux qui y sont exposés sont les employés travaillant dans des usines utilisant des SPFA et les personnes qui, de par leur fonction, utilisent souvent des mousses AFFF, et en grande quantité. Comme nous l’avons mentionné, les SPFA sont peu volatils, contrairement à l’amiante, c’est pourquoi leur inhalation n’est préoccupante que dans des situations où l’exposition à ces substances est forte et répétée.

En raison de la grande variété de composés et de la nature évolutive de ces produits chimiques, les études sur l’impact des SPFA sur l’être humain souffrent actuellement de lacunes importantes (une quarantaine de ces composés a été étudiée³, alors qu’il y en existe plus de 7 800). Les scientifiques ont toutefois pu attribuer certaines pathologies et certaines maladies à l’exposition aux SPFA.

Des expériences⁴ réalisées sur les animaux de laboratoire montrent que l’exposition à certaines SPFA a des effets nocifs sur la reproduction, le développement, le système endocrinien (hormonal), le foie, les reins et le système immunitaire. En ce qui concerne les humains, des recherches⁵ ont montré que les SPFA pouvaient avoir des effets nocifs sur le foie, le poids des nouveau-nés, le métabolisme et le système immunitaire. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé⁶ certains SPFA comme étant possiblement cancérogènes pour les humains.

Réglementation actuelle sur les SPFA

La réglementation qui s’applique aux SPFA varie d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre. Au Canada, la seule réglementation qui existe aujourd’hui est fédérale, et la Colombie-Britannique est la seule province à avoir établi des normes sur la teneur en SPFA de l’eau potable.

Aux États-Unis, il existe une réglementation au niveau fédéral et une réglementation au niveau des États. Les emballages alimentaires contenant des SPFA y sont interdits, par ailleurs, les États et le gouvernement fédéral ont élaboré des lignes directrices sur l’eau potable. Ces interdictions visent à réduire les risques que posent les SPFA pour la santé.

En Europe : des restrictions s’appliquaient au perfluorooctanesulfonate (PFOS) depuis plus de 10 ans et il a été interdit en 2020. Quant au Royaume-Uni, le Health and Safety Executive (HSE) et l’Environment Agency (EA) ont été chargés en 2021 d’étudier la question et de fournir des recommandations en matière de réglementation des SPFA.

Les litiges en lien avec les SPFA

En Amérique du Nord, les litiges liés aux SPFA sont en hausse – plus de 6 500 poursuites ont été intentées depuis 2005. Les grandes sociétés qui connaissent des volumes élevés de poursuites liées aux produits chimiques éternels sont notamment 3M, DuPont, Chemguard Inc., Kidde-Fenwal Inc., National Foam Inc. et Dynax Corp.

En revanche, au Canada, il n’y a eu à ce jour que trois poursuites notables⁷. Le premier litige est un recours collectif dans lequel les plaignants alléguaient que la contamination par les SPFA avait diminué la valeur de leurs propriétés; les deux autres sont liés à l’emploi exercé par les plaignants, qui alléguaient que l’exposition aux mousses AFFF dans le cadre de leur travail avait eu des effets nocifs sur leur santé.

Cela dit, le nombre de litiges en lien avec les SPFA au Canada devrait augmenter à cause des recherches qui seront faites, du resserrement de la réglementation et du nombre de litiges aux États-Unis liés à ces produits chimiques.

Protections d’assurance pour les risques liés aux SPFA

La sphère des protections d’assurance pour les risques liés aux SPFA est en évolution, c’est pourquoi les efforts pour atténuer le risque et augmenter la protection le sont aussi. Il semblerait que, pour le moment, les libellés des polices RCG, Umbrella, Excess, transfrontalières et multinationales pourraient couvrir ces risques. L’exclusion de la pollution dans la police RCG pourrait s’appliquer aux SPFA tout comme elle pourrait ne pas s’appliquer, et la façon dont la protection entre en jeu dans les polices RCG, Umbrella et Excess varie d’un assureur à l’autre.

Les secteurs à risques élevés sont les segments Fabrication, Entreprises d’utilité publique, Pétrole et gaz, Exploitations minières et Services publics.

De nombreux assureurs ont adopté une stratégie d’atténuation qui repose sur la formation et la mise à disposition de ressources, doublée d’une approche souple afin de diminuer le risque. Il n’en demeure pas moins que chaque risque doit être évalué au cas par cas et qu’il faut voir comment chacun s’inscrit dans la police responsabilité civile excédentaire ou la police Umbrella d’un assureur.

Que faire pour diminuer l’exposition aux produits chimiques éternels?

Il est possible de diminuer l’exposition aux SPFA.

• Choisir des textiles et des tapis* qui ne sont pas traités avec des produits imperméabilisants ou antitaches.
• Éviter de consommer des aliments qui ont été en contact avec un emballage antigraisse*, comme des sachets de popcorn à cuire au microonde ou certains emballages de restauration rapide.
• Ne pas utiliser de produits de soins personnels dont l’étiquette mentionne « perfluor- », « polyfluor- » ou « PTFE ».
• Acheter des ustensiles de cuisine en fonte, en verre ou en céramique au lieu d’ustensiles recouverts de revêtements antiadhésifs.
• Acheter des articles imperméabilisés* seulement s’ils sont véritablement nécessaires.
• Être conscient que les produits « sans APFO » contiennent souvent des produits chimiques similaires en remplacement.
• Soutenir les entreprises qui se sont engagées à éliminer progressivement les SPFA des produits de consommation qu’elles commercialisent.
• Envisager d’installer un filtre dans la cuisine pour diminuer la quantité de SPFA dans l’eau consommée. (Voir l’article publié par l’Environmental Working Group [EWG] sur l’efficacité des différentes méthodes de filtrage.)*

Rester vigilant et se protéger de la contamination par les SPFA

Les SPFA constituent un problème environnemental et sanitaire important, c’est pourquoi il faut être conscient que les produits de consommation courante en contiennent et faire le nécessaire pour réduire l’exposition. Les propriétaires d’entreprises devraient également parler à leur représentant en assurance afin d’avoir une protection qui atténuera les risques posés par ces produits chimiques.